mardi 22 juin 2010

Week-End à Marovoay

Pour commencer j’aurais pu parler de ce coq « franchouillard » qui surmonte l’une des trois églises (EKAR) de Marovoay, celle-ci se trouve en bas de « Saint-Maurice »…

Escapade unique de notre voyage à Mahajanga : deux jours à Marovoay, une ville qui fut, il y a désormais des décennies, une ville riche et importante dans le commerce du riz. De sa splendeur passée ne subsistent pas grand-chose : des maisons de style colonial très délabrées, un port envasé, des rues défoncées et ensablées quand elles ne sont pas en plus bordées de tas de détritus.

Nous y avions séjourné en 2003, puis en 2005 pour achever un chantier matériel et de formation. Cinq ans plus tard les infrastructures publiques sont dans le même état de délabrement, les rues se sont creusées, le port de plus en plus paralysé en dehors des marées hautes. Marovoay tient l’essentiel de sa richesse du riz, abondamment cultivé (encore qu’il y a des espaces à mettre ou remettre en valeur par irrigation) dans la « plaine de Marovoay », une des deux grandes zones rizicoles de Madagascar (avec le lac Alaotra) bénéficiant de l’eau de la Betsiboka, le grand fleuve du pays dont l’estuaire/delta débouche à Mahajanga dans le Canal du Mozambique. Un progrès quand même : l’électricité n’est absente que deux heures par jour, de six à huit heures du matin. Ce qui n’est pas gênant pour les matchs du Mondial. Par contre toujours pas de possibilité pour internet, …si on excepte le procédé pratiqué par Maurizio, un coopérant italien du bâtiment, radioamateur qui envoie les courriels par BLU, entre 11 heures et 14 heures (couches ionosphériques aidant), à un correspondant italien qui les transfère au Net. Ca marchait en 2005, et toujours aujourd’hui : son antenne est constituée d’un simple fil de cuivre porté par un câble horizontal judicieusement orienté pour émettre vers l’Italie. La foi fait des miracles.

Nous sommes arrivés le vendredi soir, à la nuit bien tombée, avec le Père Bruno, un Carme italien qui cumule un emploi de curé à Marovoay, où il était déjà en 2005, et d’économe diocésain, ce qui lui fait passer la semaine à Mahajanga, et le week-end à Marovoay où il retrouve sa communauté de quatre Carmes. Nous avons difficilement grimpé en 4x4 le chemin défoncé et pentu qui aboutit au groupe scolaire des Sœurs de Saint-Maurice et des Carmes (du primaire au lycée), et à la maison de la Communauté que nous avons retrouvée identique

Samedi matin nous avons revu, avec Sœur Georgette et Pierre, le directeur du collège, les lieux scolaires et leur environnement : les arbres ont poussé, les plantes décoratives ont prospéré, les terrains de jeux s’aménagent peu à peu, on est loin du plateau pelé de 2003, le cadre devient agréable, et la vue reste superbe sur la plaine de Marovoay où nous n’avons pas eu le loisir d’aller voir de près rizières et canaux.

En ce samedi matin il y avait des professeurs du collège volontaires pour une préparation soutenue des élèves de 3° au BEPC : un effort louable qui traduit une volonté d’excellence (après quelques années insatisfaisantes les résultats sont très honorables, et l’ouverture du lycée a motivé les professeurs).

La bibliothèque scolaire est bien fournie, il faut déjà choisir les livres à éliminer pour en mettre de plus récents en service. Par contre côté informatique le parc arrivé en 2003, déjà un peu malade en 2005, a besoin de sang neuf, les unités en état de production se comptent sur les doigts de la main : du travail pour Jacques !

Le laboratoire (du collège, il n’y en a pas digne de ce nom au lycée contigu) fait toujours la fierté du directeur, mais n’a pas été surexploité, une explication partielle étant –selon le directeur- la pénurie de produits chimiques de base, qui seraient introuvables à Mahajanga et même à Tana.

Au lycée « Edith Stein », dont nous avions vu les fondations en 2005, fermé normalement le samedi matin aussi, nous avons vu des élèves de Terminale Scientifique avec le professeur de maths et sciences physiques, en travaux d’entraînement pour le bac. C’est la deux ou troisième promotion qui arrive au bac, les résultats sont honorables selon les critères malgaches.


De cette visite (qui s’est étalée sur le samedi et le dimanche) nous repartons avec le constat de progrès dans le sérieux du travail des professeurs, mais aussi avec la demande d’accompagnement pédagogique, demande plus insistante qu’à Mahajanga où on ne souffre pas de l’impression d’isolement ressentie à Marovoay, impression qu’accentue un tronçon de 12 km qui se souvient de moins en moins qu’il a été une route.

Samedi en fin de matinée nous avons pris le temps d’un tour au marché, et en fin d’après-midi, avec le Père Bruno qui devait prendre un chargement de sacs de riz, nous avons pénétré dans une décortiquerie du port. D’où quelques photos très parlantes de Marovoay.



L’après-midi du samedi nous a apporté une véritable surprise. Le Père Bruno voulait nous emmener à quelques kilomètres (la ville est très étalée autour d’une sorte de promontoire) voir une école dont sa communauté a la responsabilité. Mais sur le site de cette école il y avait surtout à voir un établissement de santé partiellement achevé : un dispensaire récent en activité, avec des logements pour le personnel de santé, une maternité en construction (inauguration prévue en septembre), et un ensemble de logements pour les médecins et infirmiers étrangers en mission ou en stage. Un projet ambitieux pour contourner le système actuel (il y a un hôpital public Marovoay) où il faut venir avec de l’argent pour être pris en charge et bénéficier de soins laissant trop souvent à désirer. Il s’agit d’offrir à tous des soins de qualité, avec le concours de médecins extérieurs formant le personnel local, dans des locaux dignes de la médecine contemporaine. Un gros – et beau ! - chantier (suivi par Maurizio présent en permanence sur place) et un challenge considérable : il y a de la place pour ceux qui voudraient mettre un temps leurs compétences au service de la population locale.


Ce problème des services de santé existe aussi à Mahajanga, avec le versement préalable du coût des soins, et leur qualité. Au point que quelques diocèses autour de Mahajanga envisagent de réunir leurs moyens pour y établir un pôle sanitaire fonctionnant autrement.

Encore un chantier…

Celui du tronçon routier défaillant n’est toujours pas programmé. Nous avons fait le retour à Mahajanga (environ deux heures) dans l’après-midi du dimanche, dans la même voiture, mais avec un autre chauffeur – le mari de la sage-femme du dispensaire- et deux autres voyageuses : deux jeunes italiennes en fin de formation qui achevaient deux semaines de travail au dispensaire comme kiné et puéricultrice. Elles ne parlaient pas Français : au bout de deux heures Christiane avait retrouvé une partie honorable de son Anglais scolaire !

Pour clore cette page de blog je veux remercier la communauté des Sœurs de Saint-Maurice (congrégation suisse) :

. pour la qualité de son accueil (comme en 2003 et 2005)

. pour avoir pensé à la fête de Pères !

. et surtout pour ce qu’elles font (par exemple nous n’avons pas évoqué la prise en charge des orphelins et des enfants de prisonnier, logés et entretenus à proximité).


Justine, Georgette, Lucie et Christine, merci mes Sœurs !

samedi 12 juin 2010

Le coq est mort...


Et mes nuits en sont améliorées. Dès trois heures du matin il lançait des salves toutes les vingt minutes à quelques dizaines de mètres de la fenêtre forcément ouverte : le tamis anti-moustiques est peu efficace contre la propagation des sons. Depuis une semaine le calme nocturne perdure : ce ne sont pas les aboiements lointains – à n’importe quelle heure de la nuit on entend des chiens excités – qui sont gênants. Et l’autre coq présent dans l’espace salésien enclos a choisi de percher dans un manguier éloigné et ne s’approche de nos parages que dans la journée. Dimanche dernier le coq a fini à la casserole.

Côté ménagerie on remarque quelques oies et canards qui sont libérés le matin et enfermés le soir. Ils aiment manger l’herbe verte qui se maintient près des jeunes arbres qui bénéficient d’une irrigation quotidienne.

Passons sur les deux chiens de garde qui se font rarement entendre et dorment le jour. Sur les chats, petits et maigres selon nos critères, qui dorment presque tout le jour jamais bien loin de la cuisine.

A l’extérieur du mur qui marque les limites du Centre Professionnel – bientôt officiellement lycée professionnel et technique, mais toujours sur le domaine salésien, a été installée une porcherie de rapport, avec la filière complète (reproduction et engraissement, fabrique d’aliment à partir de céréales et de tourteaux). Pas loin de deux cents têtes si on compte les porcelets : dans la semaine deux truies ont mis bas – 11 et 13 de plus. Cases et animaux sont lavés tous les jours, les porcs sont bien roses (mais de race Large White). Le lisier, recueilli dans une fosse, est trop riche en eau pour offrir une possibilité de production de méthane.

L’homme qui s’occupe de la porcherie vit avec sa famille à proximité, et entretient en plus deux jeunes zébus qui sont peut-être sa propriété personnelle.

Cet élevage porcin est une source de revenus pour le Centre, comme les ateliers. Bien entendu il n’y a aucune aide du gouvernement pour l’enseignement ou la formation (quand elle existe, elle est infime). L’écolage est loin de couvrir les salaires et les frais de fonctionnement : à peine atteint-t-il le montant des factures d’électricité…Le Centre vit donc de dons (venus d’Italie principalement), et de ses propres productions. D’où la fabrication de brouettes, de pompes, de transformateurs, la réfection des bobinages des moteurs électriques, les meubles, les tables d’école… Une demi-classe était partie cette semaine afin de remettre en état pour la saison touristique un hôtel, à 20 km d’ici, avec un seul prof …et le nécessaire pour cuire le riz.

Aucune piste n’est négligée. La semaine dernière ont séjourné ici deux Italiens d’âge mûr, un ingénieur agronome, et un responsable de l’ENEL (« EDF »d’Italie) spécialiste des travaux hydrauliques. Ils ont jaugé les capacités agricoles de quelques centaines d’hectares, sur plusieurs sites, actuellement inutilisés, et proposés aux Salésiens, à quelques heures de route d’ici. Le projet est d’en faire des zones irriguées pour le riz, de donner du travail et d’en tirer des revenus. Il y a quelques années ce responsable ENEL a mis en production une turbine d’une cinquantaine de kW, au bénéfice d’un village, sur un canal d’amenée d’eau pour une rizière, avec une chute de seulement trois mètres de hauteur. C’est dans la région de Morondava.

Et puisque nous sommes dans le registre des visiteurs. Ces trois derniers jours le Centre a reçu la visite de « Sœur Cyclone » (cf. un reportage à la télé française il y a quelques années), qui anime une association – « Revivre »- intermédiaire possible pour avoir des fonds de l’Europe ou d’ailleurs. Pas banale la Sœur ! Née à Marseille, Sœur Claire est médecin de formation. Elle fut un temps cloîtrée (17 ans) chez les Bénédictines à Citeaux. Depuis 45 ans elle est à Madagascar, toujours religieuse, mais non en communauté. Elle assure des formations de niveau universitaire en médecine, théologie, économie, sexologie…

Ordinateur portable, internet…Un franc-parler décoiffant, très sûre d’elle-même (il faut l’entendre parler du sida à Madagascar, pratiquement inexistant selon elle, alors que la syphilis…), peut-être trop parfois…Elle conduit sa voiture des journées entières, mais avec un mécanicien à son côté. Dernier détail : elle a 87 ans, et une pétulance enviable !

Un jeune Italien, Ricardo, vient de nous arriver en même temps que la Sœur C. Il vient de terminer ses études supérieures de Génie Civil. Il devrait rester jusqu’à la fin de juillet. Il n’est pas venu ici par hasard. L’an dernier ses parents ont séjourné ici. Le père est patron d’une entreprise du bâtiment et ne demande qu’à rendre service : la relève se prépare de loin dans la culture des relations chez les Salésiens toujours en projets si ne n’est en réalisations.

Il a rejoint une autre Italien un peu moins jeune, Giani, qui parle à peu près le français et un peu le malgache, déjà rencontré l’an dernier à Ivato : c’est à son bras que le lémurien montré en ouverture du blog version 2009 (toujours visible) que le maki s’accroche.

Et c’est justement pour offrir de meilleures conditions de vie à ses – maintenant – deux makis (« Obama » et « Dino ») que Giani a entrepris la fabrication d’une grande cage…




Pour le reste tout baigne. En fait de moins en moins dans la sueur… Depuis une dizaine de jours l’hiver pointe son nez : ce matin il ne faisait pas tout à fait 23°C dehors (mais encore 26° dans la chambre, fenêtres ouvertes toute la nuit). Nous mangeons beaucoup de fruits (papayes et bananes principalement), pas trop de riz, pas trop de pâtes…La vie est animée, les rencontres nombreuses, les semaines défilent vite.

Jean-Paul, samedi 12 juin.

jeudi 3 juin 2010

Oh !...Eau

Nous ne parlerons pas du quotidien : tout se passe « normalement », à la malgache toutefois, ce qui veut dire avec des aléas (ex. : professeurs malades…) et donc une certaine souplesse des réalisations par rapport aux prévisions. La santé est bonne, la chaleur un peu pesante de 10 à 17 h, et « La Gastro » reste ici le nom …d’une pizzeria, Gastro Pizza sur la route de l’aéroport, vers Amborovy où nous sommes allés dimanche dernier voir notamment les Sœurs Guy (Leboeuf) et Françoise-Thérèse (Garreau).

Le sujet principal de ce blog tient à la visite, pour une petite semaine, d’un représentant d’une ONG suisse, avec sa compagne et un correspondant malgache. L’association s’appelle « W≈3≈W » (en français « De l’eau pour le tiers-monde »). Elle a été créée suite à des travaux d’ingénieurs suisses (si j’ai bien compris…) qui ont mis au point une « PEP » (pompe à eau à pédales). Il y en a en Inde, an Afrique et en Amérique Latine.


Ici à Madagascar une première tentative il y a trois ans, du côté d’Antsirabé, s’est soldée par un échec : la fabrication locale des pompes prototypes n’était pas assez soignée pour obtenir les résultats attendus. W3W a cherché un autre partenaire pour lancer son produit, et c’est au Centre Technique Don Bosco de Mahajanga qu’elle a pensé trouver davantage de chances d’aboutir.

J’avais vu en juin 2009 un premier exemplaire expérimental qui m’avait laissé perplexe : l’avant-projet est toujours au même endroit et dans le même état, inutilisable. Aussi ai-je été très étonné, peu après notre arrivée, de voir tout un alignement de pompes achevées, selon un modèle construit en petite série : la commande était de 60 pompes.

Depuis j’ai appris l’histoire. Le premier contact avec Don Bosco a dû avoir lieu fin 2008. Les choses ont été gelées début 2009, conséquence des troubles politiques. Mais le responsable du projet à Madagascar, Rudolph Urs, est revenu en novembre, et a passé une commande ferme : je suppose qu’entre temps le Frère Thierry, professeur de mécanique, avait eu le temps de réaliser un modèle plus probant que celui que j’avais vu en juin.

Bien sûr l’idée est de faire une pompe performante, avec des matériaux courants dans tous les pays en développement, robuste et facile à entretenir par des compétences locales, peu coûteuse (achat et fonctionnement).


Description brève de cette pompe aspirante : double piston ; les corps de pompe sont deux tuyaux de descente d’eau de pluie noyés dans du ciment moulé ; deux blocs de ciment obtenus grâce à des moules en tôle, l’un pour le corps de pompe, l’autre pour ancrer la mécanique de pédalage (monter-descendre et non tourner – cf . pompe à bras des pompiers d’autrefois) ; des leviers en guise de pédales. Chaque piston est constitué d’un disque de métal associé à un joint qui n’est autre qu’un tronçon de tuyau d’arrosage lové en tore ! Chaque cylindre a un clapet anti-retour qui n’est autre que du caoutchouc de chambre à air.

Les performances sont bonnes : aspiration jusqu’à 7, voire 8 m (la limite théorique, connue depuis la pratique des fontainiers de Florence au XVI° siècle, est celle donnée par un baromètre à eau – à voir dans l’escalier du Palais de la Découverte – 10,3 m pour une atmosphère à pression « normale »). Le débit, pour un pédalage non frénétique, peut dépasser 100 litres à la minute. Elle convient pour puiser l’eau d’un lac, d’une rivière, même un peu « chargée », d’un puits pas trop profond, même distant de plusieurs dizaines de mètres, et éventuellement sans crépine. Il est bon d’y associer un réservoir pour ensuite bénéficier de l’écoulement gravitaire. Elle est destinée à remplacer l’irrigation par arrosoirs des cultures maraîchères.



Mardi j’ai accompagné une expédition à Amborovy pour une démonstration sur cultures maraîchères de contre-saison, dans des espaces habituellement cultivés en riz : des coins paradisiaques, où l’eau est proche. Après beaucoup de tergiversations un endroit fut choisi, avec de l’eau à 2 m en contrebas. Mais l’opération fut un demi-succès, débit trop faible en raison d’un défaut d’étanchéité au niveau du raccordement du tuyau avec la pompe. Un point à soigner avant une autre démonstration, qui devra être convaincante pour espérer des acheteurs : le prix de la pompe atteint quand même cent euros.

Au final l’acheteur verra sa peine diminuée (monter et descendre un escalier glissant pour remplir deux arrosoirs totalisant une quinzaine de litres, et marcher des heures…), et sa production améliorée (meilleure irrigation, et davantage de temps pour éliminer les adventices).

Le correspondant malgache de W3W est Monsieur Harry, professeur de Mécanique des Fluides à l’Institut Polytechnique d’Antsiranana (Diego-Suarez). Il y a eu des travaux pratiques de « méca flu » avec du matériel donné par un établissement suisse il y a plus de 20 ans, mais actuellement plus rien ne fonctionne…


Enfin, pour introduire le sujet du prochain blog, une photo. C’est ce que tout visiteur de Don Bosco peut désormais voir en arrivant à la « Maison ».Avec une question :

. Quelle est l’utilité de la cage ?

Suggestions de réponse :

. Pour empêcher l’arbre d’aller voir ailleurs ?

. Pour empêcher les voleurs (ou les élèves…) de manger les fruits (c’est un jeune manguier !) ?

. Pour obliger l’arbre à se développer « en cube » et non « en boule » ?

. Pour empêcher les oiseaux d’y nicher ?

A suivre…