mardi 25 mai 2010

Réceptions...

D’Ascension en Lundi de Pentecôte, la succession – ici comme ailleurs- des jours chômés casse un peu le rythme et nous donne des loisirs supplémentaires. Il n’y avait pas matière à précipiter la cadence de production, quitte à susciter une pointe d’impatience chez l’une ou l’autre de ceux qui nous font le plaisir de consulter cette rubrique ou chronique.

Anecdote pour commencer : nous savons que l’Inter de Milan a gagné sa finale, et nous en avons parlé bien autant que les événements du Camp Duchesne à Tana, où une fraction de la gendarmerie a fait dramatiquement des siennes. Il n’y a pourtant que deux Italiens de souche ici, mais les Salésiens, même malgaches, sont tous un brin italiens, et les autochtones s’y connaissent mieux que moi en football européen ou mondial.

Nous avons donc vécu une première semaine normale ici, toujours dans la chaleur - la relative fraîcheur du matin est vite balayée – et le meilleur moment de la journée est celui où on s’offre une douche. Rien à dire sur nos activités ordinaires, elles sont déjà bien calées.

Samedi 22 mai nous avons rendu visite à l’école St Jean Baptiste de la Salle, à Bekinina : c’est dans la brousse, à 25 km d’ici, dont 10 de piste. Nous avons embarqué dans le 4x4 du Père Roger, aumônier de l’enseignement catholique, qui allait y célébrer une messe pour fêter le Saint Patron de l’Ecole. Partis vers sept heures, nous sommes revenus vers 14 heures, pour la sieste.

Entre temps le trajet aller-retour demande près de deux heures, il y a donc eu cinq heures de réception au rythme malgache. Nous avons été accueillis par Charles-Aimé, le directeur, entouré de ses deux adjoints, Alphonse, et Théophile un sortant 2009 du Centre de Formation Pédagogique de la DIDEC, …en costume-cravate ! quand son directeur est en tee-shirt (« E 85 » Composants Electroniques La Roche sur Yon) et pantalon de jogging.


En attendant que le protocole démarre nous avons visité les deux petites maisons récemment édifiées grâce à une aide AFMV : deux « carrées » à pièce unique de 16 m², en matériaux locaux (murs en terre armée de branchages, revêtus de chaux quand même, toit en feuilles de satana). Le cas (ou la case) de Théophile nous a émus. Ce jeune homme d’une vingtaine d’années, qui doit valider dans quelques jours son année de stage et son diplôme d’instituteur, dort sur une simple natte, à côté du vélo qui lui a été donné par la DIDEC. Pas d’armoire, juste un bureau, où il n’y a pas de place pour une petite radio posée sur le sol dans un coin.

A l’extérieur sur un côté il s’est aménagé une « cuisine » en fermant avec des matériaux quelconques l’espace disponible sous la casquette, dépassement du toit sur le pourtour : pas de fatapera, seulement trois pierres pour le feu sous la marmite à riz.

On touche du doigt la difficulté pour ce jeune homme, qui vivait à Mahajanga (études secondaires à Notre-Dame) depuis plus de dix ans, de travailler dans de telles conditions. Comment garder des instituteurs en brousse ? Quel salaire verser pour les convaincre de s’y investir ?


Ce n’était pas jour de classe, pourtant la quasi-totalité des enfants (environ 80 pour trois classes, ce qui fait des effectifs légers pour Madagascar) étaient là, vêtus pour la fête. Beaucoup de parents, des mères surtout. Et deux personnalité locales : le maire et le directeur de l’EPP (Ecole Primaire Publique – deux cents élèves environ) Théodore.

Une des classes, « en dur », en l’occurrence des tôles ondulées comme murs et toit, avait été vidée de son mobilier, et aménagée en chapelle, trop petite pour la messe, célébrée dans la grande tradition malgache avec chants et danses (même si l’espace d’évolution pour ces dernières était très restreint). Deux guitares pour la musique, celle du directeur, et un de ses amis. L’endroit voit un prêtre célébrer environ deux fois par an.

La suite s’est passée dehors, nous assis à l’ombre, et les enfants au soleil pour diverses prestations chantées et dansées, et les traditionnels discours qui furent heureusement sobres.

Alors les adultes se sont dispersés, les garçons ont repris leur jeu de ballon sur ce terrain pelé de taille réglementaires, avec des « buts » sommaires fait maison, qui sert de terrain municipal pour les matchs locaux. D’autres se sont activés à tirer de l’eau du puits avec un seau à fuites, et un treuil qui demande de l’entretien, et même à être repensé.


C’est alors que nous avons suivi notre hôte pour aller voir le terrain acquis avec le concours de l’AFMV. Le projet est de mettre à contribution les parents pour compenser le faible niveau des écolages par la vente des produits de la culture. Première surprise pour Christiane qui en avait fait le tour l’an dernier, à deux pas de l’école : le terrain s’est déplacé à un kilomètre (une sombre histoire dont nous n’avons pas saisi les vraies raisons, mais bien compris que dans l’affaire 20% de la somme confiée se sont envolés au profit du propriétaire du premier terrain – les questions foncières sont rarement claires à Madagascar, où le cadastre est au mieux embryonnaire). Donc un quart d’heure de marche dans les hautes herbes encore vertes, parsemées de satanas de petite taille, avec quelques rares cases et des champs à leur proximité, souvent complantés de manioc et de maïs, pour atteindre l’endroit, sous le soleil presque au plus haut.

Le terrain mesure(rait) 1,5 ha : difficile à vérifier. Il est à moitié cultivé en manioc, qui pousse bien, avec une tentative d’arachides entre les pieds de manioc : trop peu d’eau cette année serait responsable du faible développement des arachides, dont la récolte est compromise. Autre problème, sur 50 pères de famille, une dizaine seulement se sont affairés pour labourer et planter. Et personne pour sarcler régulièrement. Ce dernier travail est fait par les élèves de la classe du directeur, qui a baptisé la séquence « travaux manuels ».


Vers midi nous étions invités chez Charles-Aimé (juste derrière les buts du terrain de foot) où son épouse Evelyne avait préparé le repas : riz et poulet, et bananes pour finir, un repas de fête pour le Père et son accompagnateur, et nous deux. Dehors un jeune chien et une poule se battent pour les reliefs de poulet. Charles-Aimé, qui a été victime de vols nocturnes il y a peu dans sa basse-cour, a décidé de s’offrir les services d’un chien.

Un problème de plus, mais le plus grave reste celui de la pauvreté qui s’accentue dans cette brousse. Les parents ont de moins en moins de moyens, ne peuvent plus payer les écolages ou retirent leurs enfants : il reste 80 élèves, l’école en ayant compté jusqu’à 130.

Excusez-moi d’avoir été aussi long sur cette visite à Bekinina.

D’autres rencontres et faits mériteraient aussi un développement. Alors, en vrac : venue des responsables italiens du VIS (un des pendants italiens de la DCC) à Don Bosco pour plusieurs jours, passage de deux envoyés (un espagnol et un français) d’une ONG suisse distribuant du lait, hébergés ici plusieurs jours, que nous avons accompagnés hier lundi (de la Pentecôte) à l’école Domonique Savio -qui bénéficie d’un bol de lait chaque jour pour chaque élève- avec tout le cérémonial que vous imaginez (oui, là encore, un jour de congé !) ; et enfin pour couronner le tout, la « libération » par les douanes et les autorités portuaires d’un conteneur parti de France avant le 25 décembre, rempli principalement de machines à bois, mais aussi de trente caisses de livres que nous avions transportées à St-Nicolas-de-Redon dans l’entreprise qui reconditionne les machines à bois d’occasion – quatre mois d’attente au port de Mahajanga!

Jean-Paul, avec Christiane.

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